La matérialité de la lumière comme espace visuel par Paola Consorti

BIBLIOTHÈQUE FLUO

Saurons-nous transformer l’utopie en réalité? Umberto Eco

Dans le travail d’Eric Michel, Bilbiothèque Fluo, le spectateur cesse d’être seulement un observateur, c’est-à-dire qu’il est non seulement invité à regarder mais à entrer temporairement dans un système de relations visuelles et sonores qui le fait participer à ce qui se passe au moment de son développement. Partant d’un espace réel, la bibliothèque, l’objectif de l’artiste est de créer un environnement culturel et social différent qui établit une communication entre le public et le lieu du travail. Ce qui arrive à ceux qui pénètrent dans le nouvel «espace-environnement» créé par Eric Michel, c’est d’expérimenter une interaction complexe entre la spatialité représentée par la bibliothèque et la spatialité vécue par le spectateur non seulement par le regard mais par toute la présence sensorielle et corporelle.
La place du travail n’est cependant que virtuellement modifiée, bien qu’elle crée aussi une condition de désorientation, d’éloignement qui permet le transfert vers une réalité idéale. L’artiste, en fait, n’intervient pas occuper l’espace, d’agir sur sa structure afin de le modifier, mais seulement en tirant parti de la composante lumière, immatérielle et éphémère, est capable de transformer concrètement l’environnement. La lumière acquiert ainsi une valeur plastique, utilisée sous toutes ses formes: de l’installation fluorescente au néon, en passant par l’image vidéo. Dans le récent manifeste écrit, Le Passeur, Eric Michel nous révèle l’importance décisive de la lumière dans sa recherche artistique: «J’aime la lumière. C’est le véhicule privilégié de ma sensibilité, de mon travail … La lumière a ceci d’unique, étant à son tour constituée d’une nature corpusculaire et ondulatoire, matérielle et immatérielle. Et pour moi l’artiste doit être un passeur, précisément du matériel vers l’immatériel, du réel à l’imaginaire, vers la sensibilité pure “. (*)
Par ses caractéristiques d’éléments matériels et immatériels, la lumière devient, pour l’artiste, un moyen de communication privilégié comme véhicule d’idées et de pensée, mais surtout de recherche esthétique, pour un langage purement perceptif. En plus de l’espace, le temps est également modifié par la projection de ce que l’artiste appelle «vidéo dans la vidéo»: les images projetées sont formées par le chevauchement de films précédents, dans lesquels les mêmes spectateurs ont été filmés, avec leurs gestes et mouvements, en intervenant en faisant des variations dans la vidéo originale telle qu’elle a été pensée par l’artiste. Le temps perd sa notion traditionnelle du temps chronologique car il contient un présent qui n’existe que comme un point mobile et insaisissable le long de la ligne passée / future.

(*) Eric Michel, Le Passeur, Rome 2007.